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De A à Z ...
Tribune libre du 16 janvier 2018

Un vrai problème, une mauvaise solution

La décision du gouvernement vient de tomber : limitation générale de vitesse à 80 km/h pour les automobiles sur les routes secondaires (90 % du réseau). La première réaction qui s'impose est de regretter qu'un débat citoyen n'ait pas précédé cette décision : son application en aurait certainement été facilitée. La leçon de Notre-Dame Des Landes n'a toujours pas été intégrée.

La raison principale évoquée tient dans la réduction espérée du nombre de morts sur les routes fondée sur une liaison directe et primordiale entre vitesse et mortalité.

Mais n'existe-t-il pas d'autres causes importantes à ce constat d'un trop grand nombre d'accidents mortels auxquelles il conviendrait également de remédier?

Par exemple l'augmentation régulière de la circulation automobile (+2,5% l'année dernière) qui est liée au développement d'une urbanisation diffuse laissée à la seule diligence des maires au travers des PLU.

Par exemple le développement du trafic des poids lourds et le désastre du transport par chemin de fer faute de mise en place des autoroutes ferroviaires et de l'existence d'un opérateur performant (on observe une augmentation de la part du ferroviaire dans le transport des marchandises dans plusieurs pays européens).

Par exemple l'état du réseau routier souvent vieillissant et non adapté au trafic actuel constaté.

Le plan du gouvernement reste muet sur ces trois questions. En revanche est avancé l'exemple des limitations en place chez nos voisins. Certes aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Finlande, en Norvège il existe une limitation générale à 80 km/h pour le trafic routier, mais des actions d'amélioration des infrastructures sont entreprises sur les tronçons les plus dégradés et la limite est alors relevée à 90 voire 100 km/h dès qu'elles sont achevées. Dans ces pays on ne réalise pas de ronds points mais des carrefours dénivelés. Ne parlons pas de l'Allemagne où la vitesse limite sur routes secondaires est de 100 km/h. Et pourtant ces pays affichent de bien de meilleures performances en terme d'accidentologie.

Derrière cette décision se cachent un constat d'échec évident à agir sur certaines causes, à mécontenter certains lobbys et une incapacité de traiter certains problèmes de fond. Le gouvernement se rabat donc vers la solution de facilité. Elle ne manque pourtant pas de poser certains problèmes car elle institue des gagnants, des perdants et des non concernés.

Les 400 morts évités figurent évidemment parmi les gagnants, mais il en restera quand même 2900. Ne doit-on pas réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour réduire ce chiffre ? ?

Les concessionnaires autoroutiers se réjouissent : abaisser la limitation de vitesse constitue une formidable incitation à dévier son parcours pour emprunter leur réseau. Espérons qu'au moins une partie de la rente supplémentaire qui vient ainsi de leur être accordée sera récupérée par l'Etat.

Une bonne nouvelle pour les camionneurs : toujours rien contre la croissance du transport routier, alors que beaucoup de pays voisins ont mis en place une taxe spécifique et contre la vitesse excessive des camions. Faites le calcul pour limiter l'énergie cinétique d'un véhicule de 36 t à celle d'une voiture lancée à 80 km/h il faut qu'il réduise sa vitesse à celle d'un cycliste. Maintenir pour les camions une vitesse limite à 80 km/h révèle une incohérence avec le raisonnement utilisé pour les automobiles. Ne conviendrait-il pas que la vitesse limite des poids lourds soit abaissée significativement alors que chaque année ils sont impliqués dans 400 accidents mortels.

La Bretagne qui dispose d'un réseau maillé gratuit quasi autoroutier donc limité à 110 km/h et dont tous les points du territoire sont situés à proximité en retire un avantage certain sur le plan économique en termes d'avantages comparatifs. Belle récompense pour ceux qui se sont opposés à l'écotaxe

Les Parisiens, du moins ceux qui ont les moyens financiers suffisants, bien reliés au reste du territoire par des autoroutes et TGV performants ne seront pratiquement pas impactés par cette mesure.

En revanche les habitants de la France périphérique qui disposent de moyens financiers réduits et qui habitent un territoire mal relié aux autoroutes et aux TGV, en subiront de plein fouet les conséquences. Alors qu'il leur faut par exemple près de 3 heures pour parcourir en chemin de fer les 150 km qui séparent Sarlat de Bordeaux (à comparer aux deux heures nécessaires pour relier Bordeaux à Paris), ils se sentiront encore un peu plus relégués par cet allongement de leurs temps de parcours vers les grandes métropoles avec les conséquences économiques qui en résulteront.

Une réflexion sur le compromis entre les besoins de mobilité et la nécessaire réduction du nombre de tués sur les routes françaises aurait pu conduire à une autre politique plus dynamique et non punitive . Voici quelques propositions :

  1. Limiter la vitesse à 80 km/h sur le seul réseau tertiaire car il est évident que pour des raisons techniques et financières, ses caractéristiques ne pourront jamais être suffisamment améliorées pour rouler plus vite en toute sécurité.
  2. Maintenir la vitesse limite à 90 km/h sur les routes secondaires mais dresser la carte des tronçons les plus accidentogènes (et ils sont longs et nombreux), y réduire provisoirement la vitesse à 80km/h et relever cette limite après travaux assurant ainsi une diminution des accidents et des déplacements à une vitesse raisonnable. C'est la politique suivie par les pays vertueux cités plus haut. C'est d'ailleurs la politique envisagée et promise pour le réseau ferroviaire dont l'efficacité souffre de nombreux ralentissements (sauf les TGV parisiano-centrés bien entendu).
  3. Freiner l'augmentation du trafic de poids lourds en limitant leur vitesse et en instaurant une taxe kilométrique tenant compte de la dégradation majeure de la chaussée et de la pollution qu'ils engendrent.
  4. Mieux encadrer les décisions d'urbanisme local afin de limiter le développement de l'urbanisation diffuse tant pour les habitations ce qui favorise l'utilisation de l'automobile, que pour les sites d'activités économiques dont la desserte par camion lourd devient incontournable.

L'Etat vient donc de prendre une décision discutable et surtout de s'engager dans une impasse. Dans la mesure où rien n'est fait pour diminuer l'augmentation de la circulation automobile et celle des poids lourds, même si le taux d'accidents diminue, leur nombre risque d'augmenter. Si c'est le cas la seule solution sera de diminuer encore la vitesse. Jusqu'où cela peut-il aller, car seule la vitesse zéro assure un taux nul de mortalité ? Ceci étant impossible à envisager, l'Etat sera réduit à fixer une limite entre les accidents illégaux (survenant au-delà de la limitation de vitesse) et les accidents légaux : une belle consolation pour les accidentés respectant le code de la route.

On risque donc dans quelques années d'être toujours le mauvais élève européen en matière de décès sur la route, d'avoir la limitation de vitesse la plus basse de l'Europe, le trafic de poids lourds le plus important et les péages d'autoroute les plus élevés. Quelle perspective !

Alain Roux
16 janvier 2018

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